Campagne 2016
Au cours de la campagne 2016, l’enquête archéologique s’est centrée sur l’agrandissement des fronts nord et sud-ouest de la grande aire ouverte à l’intérieur de l’enceinte. Cette approche extensive a permis de découvrir une voie de circulation le long du parement intérieur de la muraille nord, tout en apportant des données inédites sur le caractère artisanal et pastoral des constructions attenantes (étable). Elle a également permis de documenter un nouvel îlot, occupé par au moins deux vastes demeures et bordé d’une voirie. Les caractéristiques architecturelles de l’une d’entre elles soulèvent la question d’une utilisation collective, ne serait-ce que de manière ponctuelle. Le mobilier, abandonné sur place à la suite du pillage dont fut victime le site après l’assaut des troupes chrétiennes au milieu du XIIe siècle, rassemble d’intéressants témoignages sur des pratiques particulières : dédicaces de propriété sur des jarres et diffusion de coffrets au décor géométrique de plaquettes d’os polies. Il apporte, en outre, des données sur les activités des occupants (productions textiles par exemple) et témoigne, au travers d’une petite inscription en coufique, de l’usage de protéger les lieux de vie en invoquant la bénédiction divine. Tout aussi intéressantes sont les multiples évidences de réformes constructives qui caractérisent la dernière étape d’occupation, signe d’un dynamisme urbanistique. La récurrence des niveaux d’incendies et d’effondrements – documentés dans la plupart des espaces fouillés cette année –, ainsi que l’apparition de pointes de flèche rappellent de nouveau les conditions brutales de l’abandon d’Albalat.
Les résultats des études archéobotaniques autorisent à dresser un tableau détaillé et nuancé des pratiques alimentaires, pastorales et agricoles de la population, tandis que les analyses métallographiques démontrent l’importance des ateliers sidérurgiques.
La poursuite des actions de consolidation des vestiges in situ, qui font intervenir des étudiants en restauration sous la supervision d’un restaurateur expérimenté, prétend poser les jalons d’un projet futur de mise en valeur tout en garantissant le bon état de conservation des structures exhumées.
À l’instar des campagnes précédentes, différentes actions de diffusion des résultats scientifiques ont été menées pour sensibiliser les populations locales, en partenariat avec des institutions locales. En outre, l’inauguration, en juillet prochain, d’une exposition temporaire dédiée à Albalat au musée archéologique de Cáceres constitue une importante action de valorisation. Le catalogue de cette exposition replacera les quelque cent soixante pièces présentées, toutes issues des fouilles, dans leur contexte historique et social. Il constitue un bilan de la première étape du programme qui a été lancé depuis la première campagne de diagnostic en 2009.
- Résultats synthétiques de la campagne 2016 : les fouilles
La campagne de fouille 2016 s’est déroulée du 17/08 au 23/09 avec une équipe composée de plus d’une vingtaine de volontaires espagnols et français mais aussi marocains, irlandais et portugais.
Deux principaux fronts d’agrandissement ont été menés au nord et au sud-ouest de l’aire ouverte, qui couvre désormais une superficie fouillée d’environ 1500 m2 (soit environ 7,5% de l’aire intramuros) [fig.1- 2].
fig. 1. Plan général du site. Campagne 2016 (relevé topographique : F. Callède et F. Landou, INRAP ; vestiges : M. García, K. Mercier, S. Gilotte).
fig. 2. État des vestiges à l’issue de la campagne 2016. En jaune, le tracé des voiries et en vert des espaces interstitiels d’assainissement (montage de différentes orthophotos, M. Á. García Pérez).
La poursuite de la fouille du secteur septentrional avait pour but d’appréhender la relation entre les espaces de vie et de travail documentés et la muraille nord. En dépit de leurs superficies restreintes, les deux nouveaux sondages ouverts ont confirmé qu’une voirie, qui accuse un pendage prononcé, courait le long du parement interne de l’ouvrage défensif. Ils suggèrent en outre que des édifices s’ouvraient directement sur cette voie, même si on ne peut en apprécier, en raison des limites actuelles de l’emprise, que des tronçons de murs percés d’ouvertures. Un dépotoir versé sur le niveau d’utilisation de la voirie a livré de très nombreux restes carpologiques, composés principalement d’ivraie enivrante (79%), de graines et de rachis de céréales, de plantes aromatiques et de fruits, etc. (résultats présentés dans Ros et al., publication en 2017).
Une large frange de terrain non fouillé sépare ces sondages du reste des vestiges mis au jour lors de cette campagne. L’agrandissement des autres secteurs a en effet confirmé l’amplitude des dernières réformes constructives. Un ensemble complexe, partiellement appréhendé (C-11), a été cloisonné lors de la mise en place d’un enclos de facture grossière qui condamne l’accès à certaines pièces, les rendant par là même inutilisables. Directement accolée à cet enclos se trouve une étable, pourvue de trois grandes mangeoires aménagées à même le sol, et dont la toiture était en partie soutenue par un pilier central (fig. 3). L’absence de niveaux de stabulation n’en reste pas moins troublante et peut rendre son identification sujette à débat.
fig. 3. Hypothétique étable avec au centre un trou de poteau servant de soutien au dispositif de couverture.
À l’extrémité orientale, les interventions visaient à compléter le plan de l’édifice C-9 attenant aux forges et dont on ne connaît toujours pas la totalité de l’agencement. Même si son entrée doit, selon toute vraisemblance, se localiser plus à l’est, au-delà des limites établies par les fouilles, il a été possible de documenter presque entièrement une nouvelle pièce (11m2) s’ouvrant sur la cour K (fig. 4). Trois murets maçonnés et parallèles flanquent son extrémité est, et il a été possible de restituer une banquette surélevée pouvant servir de couchage. À son pied s’ouvre une petite fosse-cendrier. Un petit foyer en briques cuites, encastré dans le sol en terre battue se trouve à l’opposé. Il était associé à un rejet de glands, suggérant une consommation humaine de ce fruit. Le mobilier recueilli renvoie principalement au travail du filage, avec un élément de quenouille et une fusaïole en os (fig. 5), ainsi qu’aux soins corporels ou cosmétiques avec deux spatules en alliage cuivre. Les fouilles ont également démontré que les pièces en enfilade situées à l’ouest du même patio K appartenaient, lors de leur dernière phase d’utilisation, à ce même édifice à la suite d’une réforme de leurs accès.
fig. 4. Vue zénithale de la pièce ouvrant sur la cour K, conservant les supports maçonnés d’une banquette surélevée, une petite fosse-cendrier et un foyer.
fig. 5. Élément de quenouille en os poli et travaillé au tour (restauration : X. Moreno Paredes).
Plusieurs sondages ont été ouverts dans des espaces antérieurement documentés afin de préciser leurs séquences stratigraphiques et de saisir les transformations qui ont pu les affecter. C’est ainsi que les niveaux antérieurs à l’aménagement de la pièce principale de la maison C-7 révèlent la présence d’un ancien lieu de travail du métal, tandis qu’un processus inverse a pu être enregistré dans une annexe de la forge nº1, où une grande structure de combustion, peut-être à vocation domestique, précède l’installation de l’atelier sidérurgique. Plus loin, c’est la privatisation partielle d’un tronçon de rue qui a été mise en évidence.
Dans le secteur sud-ouest, les fouilles extensives ont permis de délimiter un nouvel îlot bordé par une rue orientée nord-sud, confirmant l’extension du réseau viaire selon une tendance grossièrement orthogonale. Ce grand pâté de maisons est occupé par au moins deux édifices aux murs mitoyens (C-5 et C-6). Ces demeures (105 et 114 m2 utiles), les plus vastes documentées jusqu’à présent, se caractérisent par leur nombre limité de pièces et l’étendue de leurs cours (respectivement 58 et 66 m2). Leur similitude s’arrête pourtant là : alors que la première rend compte d’importants remaniements et de traces de spoliation préalables à son abandon définitif alliés à un mobilier –conservé– somme toute très modeste, la seconde délivre au contraire des indices matériels et architecturaux d’une position sociale plus élevée de ses occupants. Son vaisselier céramique, principalement concentré entre le vestibule d’entrée, la cour et la pièce principale, comprend entre autres formes entièrement préservées, un grand plat glaçuré (fig. 6) et une jarre avec une inscription de propriété. Les restes du corps inférieur d’un coffret, constitués de plaquettes d’os polies et d’une applique de fermeture en cuivre repoussé et doré (en cours de restauration) viennent s’ajouter à des fragments de tôle ajourée (brasero ?), des clous de tapissier, des garnitures de portes (ferrures, clous à têtes décoratives et cadenas) qui sont autant de vestiges des ameublements disparus.
fig. 6. Plat glaçuré décoré d’arcs sécants et détail de l’empreinte d’une natte végétale tressée conservée à l’extérieur par carbonisation (restauration : X. Moreno Paredes).
L’inscription Baraka min Allah (« bénédiction de Dieu »), incisée sur une dalle de schiste apparue à hauteur du seuil entre la cour et l’entrée, s’inscrit dans une série de marques propitiatoires, telles le sceau de Salomon gravée à l’entrée du patio de la demeure C-2, destinées à protéger les lieux. Son style coufique évolué, avec des « cols de cygne » et des hampes aux terminaisons stylisées trahit une bonne maîtrise de la calligraphie (fig. 7).
fig. 7. Dalle de schiste ornée d’une inscription propitiatoire et détail du calque de cette dernière (13 x 3 cm).
Parmi les solutions architecturales originales adoptées dans cette maison, on notera le recours à des saignées verticales pratiquées dans un socle maçonné afin d’y insérer des poteaux, qui constituaient en quelque sorte un coffrage (fig. 8). Il s’agit d’une technique jusqu’alors peu répertoriée en al-Andalus, mais qui est bien connue dans l’architecture de terre mixte d’époques anciennes et qui consiste en l’insertion de montants de bois pour servir d’armature à la terre. Dans le cas présent, peut-être s’agissait-il de pallier d’éventuelles complications structurelles car ce mur porteur était non fondé.
fig. 8. Détail d’un socle maçonné interrompu par trois saignées, maison C-6.
Dans la pièce principale, deux banquettes massives en terre, peu surélevées, se font face et occupent toute la largeur de chaque extrémité. Construites en terre et recouvertes d’un enduit partiellement préservé, leurs façades s’agrémentaient de deux saillants carrés entre lesquels deux colonnettes en terre –autrefois sans doute surmontées d’une planche en bois– formaient de petites niches peu profondes (fig. 9).
fig. 9. Banquette est de la pièce principale de la maison C-6.
L’emprise de sa cour en partie protégée par un auvent (zone qui coïncide avec une concentration de graffitis et de jeux incisés sur les dalles du sol), l’ampleur de sa cuisine avec un double foyer et sa pièce principale dotée de banquettes élaborées, sans précédent dans le site, posent la question d’une utilisation collective, ponctuelle ou régulière (des assemblées ?), de cette maison.
On soulignera également que les niveaux d’incendies et d’effondrements, documentés dans la plupart des espaces fouillés cette année, ainsi que l’apparition récurrente de pointes de flèche rappellent les conditions brutales de l’abandon du site, qui intervient au milieu du XIIe siècle.
Sans chercher à surinterpréter ces données qui sont, somme toute, encore fragmentaires et quantitativement peu représentatives, une différenciation semble cependant se dessiner entre les secteurs les plus méridionaux et ceux situés vers le nord, sans nul doute en raison de la proximité de ces derniers avec la muraille. La mise au jour de trois ateliers métallurgiques au nord de l’aire fouillée incite à y reconnaître un quartier tourné vers les productions artisanales et commerciales. La zone sud abrite des demeures plus ou moins vastes dont certaines sont pourvues de très grandes cours centrales, tandis que l’ilot central accueille des édifices caractérisés par leurs surfaces plus réduites.
L’apport de l’archéobotanique et plus largement, de l’archéobiologie à Albalat ne fait aucun doute[1]. Elle vise à restituer l’environnement naturel et à définir le poids de son anthropisation ainsi qu’à reconnaître les pratiques alimentaires, pastorales et agricoles de la population. Replacés dans une perspective comparatiste et diachronique, ces éléments autorisent à réfléchir sur les spécificités du site (conditions écologiques et historiques) et sur la continuité ou non des pratiques avec des périodes antérieures. Enfin l’archéobotanique permet d’identifier d’éventuels changements apportés par les populations arabo-berbères dans cette région. On ne présente ci-dessous que de courtes synthèses des études carpologiques et anthracologiques, compte tenu de la nouveauté de leurs résultats. En revanche, nous ne dédions pas ici, faute d’espace, de paragraphe à l’archéozoologie (J.A. Garrido García) qui est pourtant inscrite dans le cahier des charges scientifiques du projet : les restes d’origine animale (désormais au nombre de 44.059, contre 29.007 en 2015) inventoriés à ce jour confirment les grandes tendances enregistrées au cours des années précédentes.
Le volet carpologique développé à Albalat depuis la campagne 2014 a permis d’effectuer plus d’une centaine de prélèvements, tamisés au fur et à mesure des fouilles, à l’aide d’une machine à flottation (mailles de 500µm) (fig. 10). À ce jour, les 31 échantillons qui ont fait l’objet d’une analyse carpologique complète ont mis en évidence 4.706 carporestes (grains, pailles, fruits, semences de plantes sauvages, etc.) conservés par carbonisation et minéralisation. Ces carporestes permettent de restituer la palette végétale consommée à Albalat, qui repose sur 8 céréales (orge vêtue, blé nu, blé type dur, blé amidonnier, seigle, millets commun et italien, avoine), 3 légumineuses cultivées (gessette/gesse, pois, vesce), 2 plantes aromatiques (fenugrec, coriandre), le lin et au moins 11 fruitiers (vigne, figuier, grenadier, amandier, chêne, olivier, pêcher, mûrier blanc/noir, châtaignier, pommier/poirier et un possible prunier). Les échantillons issus du puisard ont donné, outre la confirmation de son rôle de latrine, des déchets d’origine fécale, constitués de semences ayant transité dans l’organisme sans être digérées (pépins de raisins, de figues, de grenades, de mûre, de pomme/poire) ainsi que des reliefs de repas et/ou déchets culinaires (noyau de Prunus, fragments de blé carbonisés). Dans les S1 et 3, les assemblages carpologiques suggèrent par ailleurs qu’une partie du nettoyage des récoltes (dépiquage, battage, vannage ?) d’orge, de seigle et de blé a pu avoir lieu à proximité ou directement au sein des habitats. Les sous-produits (pailles) issus du nettoyage semblent également avoir fait l’objet d’une réutilisation dans certains espaces, notamment dans des vestibules d’entrées des maisons C-1 et C-10, comme fourrage, litière ou encore combustible (fig. 11-12).
fig. 10. Tamisage par flottation.
fig. 11. Détail d’une section transversale de Quercus ilex/coccifera (UE 3442)
fig. 12. Section transversale de Prunus sp. (UE 5345).
Les mauvaises herbes de cultures identifiées au rang de l’espèce témoignent de la mise en culture de sols argileux compacts et de sols sablonneux filtrants, plutôt riches en nitrates. La plupart des adventices identifiées croissent sur des sols secs, ce qui suggère que l’agriculture pratiquée à Albalat était une agriculture sèche, n’ayant pas bénéficié d’une irrigation ou d’une proximité immédiate avec le Tage. Cependant, on note également dans un assemblage la présence de souchet long, plante hygrophile fréquente dans les milieux de type roselière ou sur les berges, dont la présence pourrait être liée à une exploitation située à proximité du cours d’eau (espaces jardinés, cultures de lin, voire de millets ?). La prédominance de messicoles hivernales et estivales suggère par ailleurs que certains taxons (blé, seigle, orge voire avoine ?) ont pu être semés à l’automne et d’autres (millets, voire orge et avoine) au printemps.
- Anthracologie (Mónica Ruiz Alonso, IH-CCHS, CSIC, Madrid)
L’étude des macrorestes végétaux a porté cette année sur 32 nouveaux prélèvements par flottation de bois carbonisés de manière spécifique, provenant de 30 faits archéologiques différents. Un minimum de 14 taxons a été identifié, avec uniquement le genre Pinus sp. pour les conifères. Les arbres et arbustes feuillus sont représentés par l’aulne (Alnus sp.), des arbousiers et des bruyères blanches (Arbutus sp., Erica arbórea), des frênes (Fraxinus sp.), du houx (Ilex aquifolium), des légumineuses (Leguminosae), des Malvaceae, des oliviers plantés ou sylvestres (Olea sp.), des chênes à feuilles persistantes (Quercus ilex/coccifera, Quercus subgénero Quercus), Rosaceae (Prunus sp.), des saules ou peupliers (Salix/Populus) et des ormes (Ulmus).
Le chêne à feuillage persistant prédomine numériquement sur l’ensemble des unités étudiées, suivi par le bois de pin. Les taxons suivants sont les bois d’olivier/oléastre, d’aulne et de frêne, avec environ une centaine de fragments identifiés pour chacun. Dans des proportions inférieures, comprises entre 50 et 100 fragments, se trouvent Erica arbórea, Ilex aquifolium, Malvaceae ou les différentes Rosaceae. Les taxons restants, arbousiers, légumineuses, saules ou peupliers et ormes, ne font qu’une apparition anecdotique.
La faible variété de taxons détectés pourrait s’expliquer par la prépondérance d’importantes masses forestières constituées de chênaies et pinèdes qui offrent des combustibles et des bois de construction d’excellente qualité. Une telle abondance permettrait d’ignorer ou d’exploiter seulement à petite échelle la végétation des berges pourtant voisines (alors que le pin est peut-être plus éloigné) dont le bois est plus tendre, de combustion plus rapide et de moindre envergure et longévité. Ces mécanisme sélectifs de mode d'approvisionnement, qui restent toutefois encore à détailler en fonction des espaces et des usages, permet de cerner la question des boisements et des milieux exploités, l’économie du site et la gestion environnementale. (fig. 13).
fig. 13. Restes de combustible (charbon) piégés dans la matrice d’oxyde de fer (Muestra ALB01)
- Études métallographiques (Salvador Rovira Llorens)
La présence de plusieurs forges, associées à un volume abondant de scories, nous a incité à lancer une collaboration avec des chercheurs du CCHS-CSIC de Madrid pour mieux saisir la nature de ces activités et des techniques employées. Un premier échantillonnage a porté sur 4 scories « ferreuses » et sur deux alliages cuivreux. En dehors des deux dernières, qui attestent le travail et recyclage du cuivre, toutes les scories analysées renvoient à un même processus sidérurgique, qui intervient après la réduction du minerai (effectuée sur d’autres lieux, peut-être à proximité des mines). Il s’agit de scories obtenues lors d’opérations d’épuration, pour débarrasser la loupe de ses scories, puis de forgeage pratiqué dans les mêmes ateliers. Leur examen micrographique par microscope électronique à balayage permet de détecter au moins deux épisodes de formation. L’un, caractérisé par un épisode dans lequel la wüstite (FeO) prend un faciès dentritique, est un bon indice que la température atteint fréquemment les 1.200º C. Il s’agit de matériaux bien structurés, ce qui suggère des temps d’opération suffisamment longs pour permettre aux réactions de formation des phases minérales constitutives de s’achever. Cela démontre en outre qu’il ne s’agit pas travaux sporadiques mais bien d’une activité continue et habituelle.
- Consolidation et restauration
Les travaux de restauration se sont centrés cette année sur la demeure C-2 (fig. 14) et devront être achevés avant de s’étendre au cours des années suivantes aux édifices C-6 et C-5 afin d’obtenir un échantillon spatialement cohérent, susceptible d’être mis en valeur au terme du nouveau quadriennal. Les protocoles d’intervention respectent les critères de préservation du patrimoine archéologique préalablement définis à partir d’un diagnostic des pathologies : intervention et impact minimums, réversibilité maximale, différentiation des niveaux archéologiques et modernes, compatibilité des matériaux sur le long terme. Ce travail a été mené sous la supervision d’un restaurateur expérimenté (X. Moreno Paredes), avec une équipe composée de six étudiants des écoles de restauration (ESCRBC) de Madrid, Valladolid et Avila. Ils ont également épaulé les archéologues dans les tâches d’extraction de mobiliers délicats qui nécessitent une consolidation et/ou un prélèvement en bloc. Ils ont aussi procédé à la consolidation systématique des objets métalliques, afin d’éviter leur dégradation (fig. 15).
fig. 14. Processus de consolidation des vestiges in situ.
fig. 15. Travaux de consolidation de mobiliers archéologiques.
En dépit de son extension réduite, Albalat peut être considéré comme un ensemble de singulière importance pour l’histoire d’al-Andalus en raison de la grande qualité des vestiges et du mobilier mis au jour. De plus, l’approche adoptée, qui fait appel à un large éventail de disciplines, cherche à approfondir les connaissances sur les conditions environnementales de cette petite localité. La poursuite du projet scientifique est essentielle pour nourrir et compléter ces enquêtes et pondérer avec rigueur certaines des hypothèses qui sont en train d’être développées. Pour cela, le nouveau programme qui est lancé pour les quatre prochaines années (2017-2020) viendra, à terme, étoffer les dossiers ouverts sur la guerre et les registres matériel et environnemental de la première moitié du XIIe siècle.
fig. 16. Vue de la muraille nord qui fait face au fleuve.
[1] Les possibilités théoriquement offertes par la palynologie n’ont pas pu être mises à profit en raison de la dégradation des pollens (tests négatifs, mais qui devraient être répétés lors de la campagne 2017).