ARCHEOLOGIE / ARCHAEOLOGY
BUJARD Jacques avec BONNET Charles

Les très beaux objets du VIIIe-IXe siècle découverts en 1990 sur les deux sites de la mission archéologique en Jordanie sont en cours de restauration au laboratoire du Musée d'Art et d'Histoire de Genève. Ils seront exposés dans ce musée en automne 1992 avant de retourner en Jordanie.
Si les céramiques peuvent être remontées sans trop de difficultés, les objets de métal - porte-lampes d'Umm er-Rasas, vases, cruches, brûle-parfums et bols d'Umm el-Walid - nécessitent une intervention plus délicate dont les phases sont présentées d'après un rapport de M. Claude Houriet, restaurateur.

Une restauration délicate

Une étude accompagnée d'un dossier photographique est effectuée par les collaborateurs scientifiques du laboratoire du Musée d'Art et d'Histoire avant la restauration. Elle a notamment pour objectif de réunir des informations sur la fabrication des objets et la nature des alliages.
Les objets jordaniens sont façonnés dans des alliages de cuivre. Ils se présentent actuellement dans deux états de conservation distincts; pour certains, le métal est encore malléable mais partiellement déformé par écrasement et déchirement. Pour d'autres, le métal est presque totalement oxydé; il est minéralisé, brisé en de nombreux fragments et certains éléments manquent.

Cruche en bronze apres restauration

J. Bujard. Cruche en bronze après sa restauration (Musée d'art et d'histoire de Genève).

 

Cruche en bronze avant restauration

J. Bujard. Cruche en bronze avant sa restauration (Musée d'art et d'histoire de Genève).

 

Choix et limites des interventions

Lors de réunions entre archéologues, collaborateurs scientifiques et restaurateurs, la restauration est définie, en tenant compte de l'éthique muséologique actuelle, selon l'état de conservation et des résultats recherchés. Les caractéristiques des objets et l'état de la surface sont maintenus intacts en redressant les éléments malléables sans les chauffer ni les marteler. Les éléments manquants sont en outre reconstitués afin d'améliorer la solidité et l'esthétique, tout en permettant facilement de discerner les pièces originales de la restauration.
Un traitement permettant la stabilisation des oxydations est tout d'abord effectué sur l'alliage de cuivre des objets afin d'éviter la continuation du processus de dégradation. Il est suivi d'un nettoyage des concrétions provenant de l'enfouissement.
Le redressement des objets encore malléables en alliage cuivreux se fait ensuite au moyen de formes en bois correspondant au profil de l'objet. Ces formes sont réalisées convexes pour l'intérieur et concave pour l'extérieur. Le métal est pris en sandwich et doucement redressé au moyen de presses semblables à des serre-joints. Les déchirures sont collées avec une résine époxy (réversible), l'intégration des collages se fait avec des couleurs acryliques dissimulant la restauration, visible cependant en transparence. La surface est améliorée dans la mesure du possible en intervenant sur la patine, par grattage au scalpel et par polissage.
L'assemblage des morceaux des objets minéralisés et cassants s'effectue par collage avec de la résine époxy. Il est effectué en tenant compte de la forme générale, car certains éléments déformés doivent être compensés au moment du collage. Les pièces manquantes sont réalisées avec de la résine armée de fibre de verre pour améliorer la résistance de l'ensemble. La restauration est visible en transparence, son intégration est achevée en utilisant des couleurs acryliques reproduisant l'aspect du bronze patiné.
Ainsi restaurés, ces objets exceptionnels sont moins fragiles et pourront être exposés dans de bonnes conditions à Genève puis en Jordanie.