ARCHEOLOGIE / ARCHAEOLOGY
BUJARD Jacques avec BONNET Charles

 

La Fondation Max van Berchem consacre une large part de son budget à une mission de fouilles en Jordanie dont la première campagne a eu lieu en 1988.

Etapes de l'islamisation

Après plusieurs visites préparatoires en 1987, deux sites ont été retenus dans la région de Madaba: Umm er-Rasas et Umm el-Walid. Les recherches entreprises ont pour principal objectif d'obtenir une meilleure compréhension des étapes de l'islamisation dans une région profondément marquée par plusieurs siècles de christianisme. Ce thème de l'islamisation a été assez peu abordé d'un point de vue architectural, et une analyse archéologique détaillée d'édifices contemporains de cette transformation religieuse et culturelle peut apporter des compléments intéressants aux enseignements tirés des textes et de l'iconographie.
Cette mission est menée par Jacques Bujard et Marc-André Haldimann, sous la direction de Charles Bonnet, archéologue cantonal de Genève.

Deux églises accolées

La forteresse de Umm er-Rasas, l'ancienne Kastron Mefaa, se présente sous la forme d'un grand quadrilatère de 120 par 140 m de côté à l'intérieur duquel subsistent d'innombrables blocs provenant de bâtiments effondrés. Deux églises accolées et situées dans la ville ont été retenues comme premier objectif de travail par les archéologues; en effet, la bonne conservation des maçonneries et les traces de nombreux remaniements permettaient de penser que la chronologie générale du site pourrait être mise en évidence et qu'il serait possible de comprendre l'utilisation de ces deux sanctuaires pendant les premiers siècles de l'islamisation de la région.
Les deux églises ont été dégagées en 1988 et en 1989 révélant des sols en mosaïque aux qualités artistiques remarquables. Elles ont vraisemblablement été érigées au VIe siècle et abandonnées au VIIIe siècle. Les églises ont ensuite été réutilisées, avant leur effondrement, comme lieux de campement ainsi que l'attestent des foyers.

 

Umm er Rasas les deux eglises

J. Bujard. Umm er-Rasas : les deux églises en 1990 après leur dégagement.

 

Umm er Rasas sol en mosaique

J. Bujard. Umm er-Rasas : sol en mosaïque de l'un des chœurs.

Une mosquée et un palais

La mosquée de Umm el-Walid, de plan rectangulaire, avait d'abord été identifiée comme un temple dorique, puis une église byzantine rurale. Le remblai d'installation de l'édifice peut être daté de l'époque omeyade; malgré l'absence d'un mihrab, la fonction de mosquée du premier bâtiment est attestée par son emplacement à l'écart de l'agglomération antique ainsi que par le plan presque identique de l'édifice postérieur mamelouke, dégagé en 1988. Son abandon remonte a la période ayyoubide / mamelouke. Jusqu'à présent citée comme un des rares sanctuaires ruraux ne dépendant pas d'un qasr omeyade, cette affirmation a pu être corrigée lors de la fouille de 1989 par le dégagement partiel d'un bâtiment identifié comme un caravansérail par Brünnow et Domaschewsky et dont la fonction palatiale a été établie. La mosquée rejoint donc la catégorie mieux connue des mosquées palatiales.

 

Umm el Walid la mosquee

J. Bujard. Umm el-Walid : la mosquée.

 

Le plan du qasr forme un carré approximatif 70,50 m de côté dont l'enceinte, conservée par endroits sur près de 3 m de hauteur, est rythmée par 15 tours.Sa construction n'est pas encore datée, mais elle remonte vraisemblablement à l'époque omeyade. Son dégagement partiel pendant la campagne du printemps 1990 a révélé son organisation interne : cinq appartements (bayt), composés chacun de cinq à six salles adossées à l'enceinte et s'ouvrant sur des portiques érigés dans des cours privées, entourent une cour centrale. Dans une salle fouillée en détail, on a mis à jour un nombre important d'objets, soigneusement rangés le long du mur (cruches, bouilloire zoomorphe, balance, bassines, brûle-parfums en bronze, récipients en verre, en céramique et en pierre olaire) et datables des VIIIe-IXe siècles, période où le bâtiment fut abandonné.