EPIGRAPHIE, CALLIGRAPHIE, CODICOLOGIE, LITTERATURE / EPIGRAPHY, CALLIGRAPHY, CODICOLOGY, LITERATURE
ROBIN Christian

COLLOQUE LES ORIGINES DU CORAN, LE CORAN DES ORIGINES

La parution en 1860 de la Geschichte des Qorâns de Theodor Nöldeke a marqué durablement les études coraniques en Occident. Bien que déjà en germe dans un travail antérieur, l'ouvrage dans sa forme finale devait beaucoup à l'initiative prise en 1857 par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres d'organiser un concours dont le sujet portait sur l'histoire du Coran. T. Nöldeke y avait pris part et son mémoire lui avait valu d'être l'un des trois lauréats de l'Académie, aux côtés de Michele Amari et Aloys Sprenger.

Le colloque Les origines du Coran, le Coran des origines, organisé par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris et l'Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg, a permis de faire le point, 150 ans après la publication de l'ouvrage de Nöldeke, sur l'état des études coraniques en Europe. Après une phase de relatif désintérêt, de nouveaux travaux ont vu le jour et des problématiques originales ont relancé le débat sur la genèse du texte coranique. Les progrès de notre connaissance de l'Arabie ancienne, les nouvelles façons d'approcher le texte et sa structure ou encore la prise en compte des vestiges manuscrits de la transmission sont autant d'éléments qui renouvellent substantiellement le regard que l'on peut porter sur cette question essentielle. L'ambitieux projet du Corpus coranicum, soutenu par l'Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg, apporte de son côté de nouvelles possibilités de confronter le texte à son environnement et d'accéder plus commodément à une vaste documentation. Le dispositif est complété par le projet franco-allemand Coranica (soutenu par l'Union académique internationale) qui se donne pour objectif de publier les plus anciens manuscrits coraniques, de dater ces derniers et de travailler sur certains aspects spécifiques de la contextualisation.

Vingt intervenants ont pris part à ces deux journées et abordé différents aspects de la genèse du texte coranique, après avoir entendu un bref rappel de la façon dont la Geschichte des Qorâns a vu le jour. Plusieurs communications ont été consacrées à la question de l'histoire même des révélations, à leur chronologie et à leur contextualisation. L'étude des manuscrits coraniques eux-mêmes ouvre de nouvelles pistes de recherche : conditions de la mise par écrit, évolution de la vulgate et de son orthographe, apparition de copies enluminées ou encore existence de manuscrits antérieurs à la mise par écrit que la tradition associe au calife ?Uthmân. C'est enfin le texte lui-même qui a suscité l'intérêt de plusieurs des intervenants : recherche de parallèles avec d'autres productions littéraires de l'Antiquité tardive, structure et style du discours coranique.

Le colloque, qui s'est tenu le jeudi 3 mars 2011 dans le palais de la Fondation Del Duca (Paris 17e) et le vendredi 4 mars dans la Grande Salle des Séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Paris 6e), a obtenu un large succès : un auditoire nombreux et attentif a suivi les exposés et les débats. D'une manière générale, la qualité de la réunion a frappé les esprits et la publication qui devrait bientôt intervenir permettra de conserver la mémoire de cette rencontre exceptionnelle.

Une grande partie de la séance du vendredi matin a permis à six jeunes chercheurs qui achèvent une thèse ou viennent de la soutenir de présenter leurs travaux. La qualité des exposés illustrait la vigueur du renouveau des études coraniques.

Christian Robin
CNRS, UMR 8167, « Orient et Méditerranée »
Membre de l'Institut
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres