EPIGRAPHIE, CALLIGRAPHIE, CODICOLOGIE, LITTERATURE / EPIGRAPHY, CALLIGRAPHY, CODICOLOGY, LITERATURE
DEROCHE François

Dans la continuation des deux réunions organisées l'une à Istanbul en 1986 et la seconde à Paris en 1994, des spécialistes des manuscrits en écriture arabe se sont retrouvés à Bologne, du 4 au 6 octobre 2000. Les débats se sont déroulés dans le cadre très plaisant de la Villa Gandolfi Pallavicini où séjourna jadis Wolfgang Amadeus Mozart. L'Université de Bologne, qui accueillait la manifestation avait également organisé une visite de la bibliothèque de l'Université qui a conservé une partie de son aménagement du XVIIIe siècle et qui est marquée par le souvenir du grand orientaliste Marsigli.

Afin de donner plus d'intensité aux échanges qui devaient suivre les différentes interventions, trois thèmes avaient été préalablement définis par les organisateurs : la paléographie des écritures arabes entre 1250 et 1500, la mise en page sous tous ses aspects et la reliure. Ce parti pris qui tranchait avec l'organisation des conférences précédentes s'est avéré fructueux, à en juger par les commentaires des participants : ces deux disciplines sœurs que sont la paléographie et la codicologie sont parvenues, dans le domaine des manuscrits en écriture arabe, à un état de développement où les recherches commencent à s'étoffer et à se recouper. Enfin, la diversité des spécialités représentées continue à constituer l'un des points forts de ces réunions où historiens de l'art, spécialistes des bibliothèques, philologues et historiens confrontent leurs points de vue.

 

Bologna

 

La période suggérée aux auteurs de communications sur la paléographie s'étendait approximativement de la prise de Bagdad à la conquête ottomane de l'Egypte. Les évolutions de l'époque ont été analysées par Sheila Blair (Boston) qui a parlé de Yâqût et de son cercle, ou encore par Francis Richard (Paris) et Elaine Wright (Dublin) qui se sont penchés sur les origines du nasta'lîq. Davantage tournés vers les problèmes d'identification des écritures, Adam Gacek (Montréal) et François Déroche (Paris) ont proposé des repères pour l'étude des 'cursives' ; le point de vue des praticiens arabes médiévaux de l'écriture fut illustré par Abdelwahed Jahdani (Agadir). D'autres communications traitèrent en revanche de cas plus restreints : Shavasil Ziyadov, Shadman Vahidov et Aftandil Erkinov (Tachkent) évoquèrent des spécificités de l'Asie centrale, tandis que Janine Sourdel (Paris) attirait l'attention de l'auditoire sur des documents seldjoukides qui pourraient avoir influencé les écritures livresques. Pour finir, la paléographie pratique appliquée plus spécialement aux notes marginales trouva des illustrations significatives dans les contributions de Orazguzel Machaeva (Bologne), Fariba Afkari (Téhéran), Jan Just Witkam (Leyde) et Ayman Fu'ad Sayyid (Le Caire).

Les approches de la mise en page se sont avérées très diverses : la communication de Françoise Briquel (Paris) sur des manuscrits syriaques antérieurs à l'hégire avait fourni une excellente introduction. Les interventions suivantes se répartirent entre des études sur la mise en page des décors, par Sheila Canby (Londres) et Muhammad Isa Waley (Londres), et celles qui portaient sur des textes : on put entendre Frédéric Bauden (Liège) analyser un autographe d'al-Maqrizi, Tilman Seidensticker (Iéna) examiner le rapport entre taille et contenu du manuscrit, Tim Stanley (Londres) évoquer les corans ottomans tardifs, tandis que Gerhard Endress (Bochum) signalait les 'bibliothèques' philosophiques en un volume produites dans l'Iran safavide.

Le troisième volet du programme portait sur la reliure. Iraj Afshar (Téhéran) présenta à propos des emplois de l'écriture pour la décoration de reliures persanes des remarques qui rejoignaient sur certains points les remarques de Paraskévi Efthymiou (Paris) sur des spécimens d'Asie centrale. Ursula Dreibholz (Sanaa), Thomas Tunsch (Berlin) et Stoyanka Kenderova (Sofia) avaient choisi une approche géographique centrée respectivement sur le Yémen, l'Egypte mamlouke et la Bulgarie à l'époque ottomane. Zeren Tanindi (Bursa) parla des filigranes.

Enfin, un petit nombre de communications se positionnaient relativement librement par rapport aux trois thèmes évoqués précédemment : la célèbre pétition de Ja'far Baysunghûrî fut réexaminée par Sergeï Tourkin (Saint Pétersbourg). Hans Caspar Graf von Bothmer (Saarbrücken) procéda à une analyse très complète du désormais célèbre coran monumental de San'â'. Deux communications furent consacrées au contenu de bibliothèques : celle d'Ulrich Rebstock (Fribourg en B.) proposait une approche quantitative des manuscrits de Maurétanie, et celle d'Ashirbek Muminov (Bochum et Tachkent) montra comment la bibliothèque de Muhammad Parsa pouvait nous donner de précieuses informations sur l'école hanafite de Transoxiane.

François Déroche